Nous avons fait un petit tour en Bretagne jeudi dernier pour la seconde journée des deuxièmes Rencontres nationales des budgets participatifs, co-organisées par les mairies de Rennes, Montreuil, Paris et Grenoble — qui avait initié la première édition.
Ce fut l’occasion pour Capco de s’immerger davantage dans la réalité concrète du budget participatif. En effet, une série d’ateliers thématiques ont permis aux parties prenantes de ces dispositifs de participation citoyenne (élus, agents des services, citoyens, associations…) de se rencontrer pour avancer sur les sujets de la participation, de l’égalité des chances, des mutations de l’administration, de la vie des projets, des problématiques d’intercommunalité, d’innovation sociale, etc.
Pour nous, 2017 a été une année phare en matière de “BP” car riche en développements : le lancement d’une plateforme à Orléans — qui a plutôt bien marché compte tenu des attendus et du caractère expérimental assumé par le porteur de projet —, la « récupération » du budget participatif de Montreuil pour sa deuxième édition, la troisième édition d’affilée à Rennes. Et la liste devrait rapidement s’allonger.
De nombreuses collectivités avaient fait le déplacement dans la capitale bretonne : Poitiers, Angers, Saint-Herblain, Dijon, Pantin, Clermont-Ferrand, Ivry-sur-Seine, Rouen, Bayonne, La Rochelle, Bagneux, Lanester, Courdimanche, Fougères, le département de Loire-Atlantique… certains déjà expérimentés, d’autres en recherche d’informations.
Un outil idéal d’acculturation
Premier enseignement du budget participatif citoyen : il intéresse des collectivités de toutes tailles. Si les élus hésitent encore sur les modalités précises à mettre en place (budget de fonctionnement versus budget d’investissement, notamment) peu ont de doutes de l’impact — réel ou présumé — sur la participation. D’autant que les municipalités ont aujourd’hui un atout important, celui d’un dispositif pour lequel l’articulation numérique-présentiel est relativement facile à mettre en place et dont le fonctionnement est très simple à appréhender par la population.
A Paris, “ce qui marche c’est le vote papier” explique Pauline Veron, l’adjointe à la maire en charge de la démocratie participative. Tania Assouline, qui occupe la même fonction à Montreuil, rappelle pour sa part que “le budget participatif est un outil idéal d’acculturation à la participation des publics moins bavards car il s’agit de participation concrète”, mettant notamment en avant les comités de suivi des habitants dans une commune possédant un tissu associatif très dense.
Le phénomène devrait donc aller en s’accroissant alors qu’à ce jour plus de 4 millions de Français peuvent voter sur une plateforme de budget participatif, comme le notait récemment Gil Pradeau, chercheur spécialiste de la question. A condition bien sûr que les élus sortent de la logique “com” pour faire de la vraie communication et qu’il y ait un engagement réel et sincère du politique, martèlent en choeur les organisateurs grenoblois et rennais.
Le rôle central des agents
Deuxième enseignement : les difficultés de mise en place ne sont peut-être pas situées où on les imagine. Un territoire comme Paris, qui semble un peu plus rodé que la moyenne grâce à plusieurs années d’expérience et grâce au volume de projets brassé à ce jour, se pose clairement la question de l’accompagnement des citoyens vers davantage de “profondeur” et d’implication. Voire de chiffrage. En bref il faut que les Parisiens mettent la main dans le cambouis et sortent des projets un peu “plan-plan” des débuts pour passer à de la véritable co-construction de vivre ensemble.
Mais Paris fait figure d’exception. Aujourd’hui pour la majorité des élus, à l’instar de Rennes, le défi du budget participatif en ligne ou non c’est la transformation des organisations professionnelles à travers la collectivité et la gestion des actions de transversalité. La question des agents est souvent revenue dans les échanges durant les ateliers : si le budget est correctement provisionné pour les projets, les ressources humaines ne sont pas forcément bien prises en compte pour l’instruction des projets et leur mise en oeuvre par les services. D’où l’émergence de petites tensions inter-services, voire des fonctionnaires des directions interrogées pour mesurer la faisabilité d’un projet qui vont être tentés de “gonfler” les prix d’une estimation pour que celle-ci soit rejetée. D’ailleurs, à Montreuil, la priorité n’est pas d’augmenter l’enveloppe budgétaire destinée au budget participatif, mais plutôt d’accorder des moyens aux équipes en charge de la mise en oeuvre des projets retenus.
Au global, on en revient à l’idée déjà évoquée du rôle essentiel des fonctionnaires et des agents dans la mise en place d’un Etat-plateforme. Et d’aucuns, comme à Pantin, se mettent à rêver d’un “observatoire des budgets participatifs” où les administrateurs pourraient s’échanger les meilleures pratiques et permettre plus facilement aux collectivités dans le doute de se jeter à l’eau en leur offrant un espace d’acculturation spécifiquement destiné aux agents des services.
Et, comme certains le formalisent déjà, sortir d’un “monde-objet” pour rentrer de plain-pied dans un “monde-projet”.
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