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« Le budget participatif : l’ADN des politiques locales »


branche d ADN avec des chiffres dessus

Nous nous sommes récemment entretenus avec Olivier Carré, maire d’Orléans et président de la métropole. Il est venu à la rencontre de Capco l’an dernier, inspiré par le succès du budget participatif de Rennes, avec une vision sur le long terme de la participation citoyenne sur le territoire qu’il administre.


Aujourd’hui, avec le recul d’une première saison réussie, il tire les enseignements du projet, imagine le futur et reste intarissable sur la question de l’inclusion de la population dans les décisions publiques. Appellant même à la naissance d’une « troisième force » qui émanerait de la société, au côté de l’administration et du politique.

Cet entretien intervient à la veille des Rencontres nationales de la participation, au cours desquelles Cap Collectif animera deux ateliers spécifiques sur le budget participatif : le premier, « renouveler ou dynamiser » avec lesbudgetsparticipatifs.fr et le second sur le budget participatif en entreprise avec DAHER.


Verbatim


« Je me suis rendu compte qu’on pouvait construire une véritable démarche qui faisait que, quand on allait devant les gens, on arrivait avec un projet qui n’était pas complètement ficelé. Avec cette logique d’écoute et d’affinage de projets, on arrive à construire la ville un peu autrement, et certainement de façon beaucoup plus optimale pour les habitants. »


Tout le spectre de l'arc-en-ciel

« C’est de là qu’est venue l’idée que les gens voulaient finalement faire autre chose que de la contestation pure : il n’y a pas que des râleurs, il y a des gens aussi qui ont des bonnes idées et qu’il faut savoir écouter. Souvent on avait un peu les mêmes qui venaient dans les réunions et qui étaient ceux qui, finalement, avaient un peu de temps. Des personnes qui sont un peu âgées, qui ont du temps pour regarder les choses. Toujours un peu les mêmes réminiscences, les mêmes remarques, la même famille de remarques. Si on co-construit la ville, mais toujours avec une seule partie de la population, on va finir par faire une ville monocolore là où elle doit embrasser tout le spectre de l’arc-en ciel.


« Il faut construire à ce moment-là la ville peut-être par d’autres médias, par d’autres modes, par des éléments qui font que des gens vont se sentir impliqués — parce qu’ils le sont, ils sont intéressés — mais dans les arbitrages il est évident que c’est d’abord leur vie personnelle, leur quotidien, ce qui les presse un peu, qui fait que ça va primer sur l’envie de s’investir pour la ville, c’est-à-dire un peu pour les autres. Ce n’est pas par manque d’altruisme, mais c’est par faute de capital-temps. »

Et toujours dans cette logique de co-construction, toujours.

« Honnêtement on cherchait plutôt à toucher les 25-50 ans, notamment parce que ce sont eux qui ont beaucoup de mal à venir aux réunions publiques et à travailler au quotidien avec nous. Ça a marché. Cent cinquante-trois projets qui sont sortis de la consultation ont été émis par 80 % de personnes rentrant dans cette catégorie d’âge. Vraiment une très bonne surprise. J’ai été étonné, contenu du fait que la première vague, on l’a faite vraiment de façon expérimentale et simple — parce que là-dedans, il ne faut surtout pas être compliqué, il faut être le plus simple et le plus direct possible. Là tout le monde a répondu présent. C’était une vachement bonne nouvelle. Et on a eu quand même 153 réponses dans un laps de temps très court, ce qui pour moi est vraiment très positif, sur exactement la cible qu’on avait visée.


« Ça m’a vraiment encouragé à faire en sorte que cette année on multiplie par trois le budget participatif — puisqu’il va passer à 300 000 euros, mais j’ai bien noté qu’à Rennes, à Montreuil, et autres, on était sur des pourcentages entiers des budgets d’investissement. »


De la diversité

« On peut être aussi dans une logique où ça va venir des gens. Ça va venir de ce que, eux, ont repéré, de ce qu’ils ont vu, parfois aussi dans d’autres villes. Ce ne sont pas des experts mais c’est une myriade d’avis, ce qui fait qu’à la sortie on a un certain nombre de choses qui ressortent qui, sans doute, auraient pu être ignorées par l’expert qui, lui, a ses habitudes et qui, lui aussi, a la robustesse de la connaissance de son art mais pas forcément la capacité à tout embrasser comme peut le faire une nuée d’avis.


On a besoin aujourd’hui d’avoir un certain nombre de systèmes simples et efficaces, parfois éphémères, parfois jetables — et ça, ce n’est pas du tout dans la logique et les habitudes des institutions publiques, en tout cas françaises. Et le rôle, aujourd’hui et demain, du politique, de la sphère dont je continue de penser qu’elle est absolument nécessaire parce que la démocratie représentative est celle qui a la légitimité, justement, pour trancher des limites d’espace, trancher des limites privé-public, trancher des rapports entre deux entités privées (ce qui peut exister), tous ces éléments-là, la détermination du public que l’on met à disposition du plus grand nombre — ça, c’est nous qui en sommes les dépositaires au nom du peuple — mais ça ne suffit plus aujourd’hui. Il faut une sorte de troisième force qui arrive, au côté de l’administration et de l’institution politique, il faut une troisième force qui émane de la société elle-même, qui ne doit pas se subroger aux élus, parce qu’à un moment donné ce sont les intérêts privés qui dominent face à l’intérêt public, ça ne doit évidemment pas se substituer à l’administration sinon ça devient de la technocratie. Donc il faut trouver la bonne place et le bon équilibre pour que la sphère participative… [pour que] nos concitoyens soient amenés à participer.


Et c’est tout l’intérêt d’avoir à ce moment-là une règle du jeu simple dans laquelle chacun peut se reconnaître, qui est ouverte, qui a une forme de générosité mais aussi d’intérêt public, qui est qu’on met à disposition des budgets, sans préjuger de l’utilisation qui va pouvoir en être faite, mais qui va répondre à la possibilité – pour certains de nos concitoyens qui ont envie – de s’engager de réaliser quelque chose qui sera utilisé par le plus grand nombre. D’où l’idée d'une plateforme de budget participatif. »


En attendant le passage à l’échelle

« Une partie des projets qui sont tenus habituellement par la Ville, pour moi, devraient être tenus de cette façon-là. Pas [uniquement] une sorte d’appel à idées, là on passerait à la co-construction de la ville sur un certain nombre de projets beaucoup plus lourds. On monte en puissance régulièrement sur ce budget participatif, avec une méthode, et puis on va voir comment tout ça s’organise — les gens qui répondent, les petits groupes qui peuvent être mobilisés etc. — mais l’objectif c’est de monter à des niveaux qui sont beaucoup plus importants pour faire en sorte que ce soit une habitude du vivre-ensemble.


C’est-à-dire pour passer du budget participatif citoyen à une logique du vivre-ensemble et de co-construire la ville.


Je crois à une mutation dans la demande d’exercer la politique. Ça va redéfinir quel est à la marge le rôle des élus, à la marge le rôle des institutions, et je crois qu’au bout on a surtout une ville qui sera mieux faite. C’est une vraie source de vitalité pour la ville lorsque ses habitants se sentent impliqués pour prendre en main son destin. On rêve tous de ça en tant qu’élus, qu’on soit de gauche, de droite, de ce qu’on veut, on rêve tous de ça. Ça fait partie quelque part des mêmes types de démarches, intrinsèquement, de ne pas partir avec des préjugés mais au contraire de se laisser un peu porter en libérant les capacités de faire et en attendant que les gens s’en saisissent… ou pas.


C’est un élément qui rentrera complètement dans l’ADN de la façon de faire la politique locale. Je crois que c’est quelque chose de très fort, qui va au-delà de tout ce que l’on fait en réunions publiques. Je crois qu’on est passé vraiment à autre chose. On est sur une période où le « faire » est quelque chose d’important. Ce sont vraiment des démarches tout-à-fait passionnantes à regarder et à mettre en oeuvre et, je le répète, tant mieux si, en plus, ça aide efficacement à construire la ville. »


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